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Pourquoi certains arbres ne perdent-ils pas toutes leurs feuilles en hiver ?

Ce sont parfois les choses les plus évidentes, en apparence, qui m’inspirent des questions. Ainsi, la curiosité de ma femme, un soir de fin novembre, rentrant en voiture d’un dîner : « Pourquoi ces arbres ont-ils encore leurs feuilles ? » Une date à laquelle normalement se termine le ramassage des feuilles mortes. La preuve en est les allées des grandes avenues de Versailles où nous vivons, et où les feuilles, mortes s’entend, ont totalement disparu à la veille de l’hiver.

Mais en observant plus finement, en levant le nez, la remarque est d’autant plus pertinente qu’effectivement certains arbres sont totalement décatis et d’autres, partiellement, avec d’un côté une branche feuillue et de l’autre des branches nues, parfois même des branches entièrement vertes.

Heureusement, nous sommes le soir. Et la réponse, si je puis dire, est à ce moment-là paradoxalement, lumineuse. Les lampadaires ! Bien entendu… Les branches encore feuillues en cette fin novembre, à la porte de l’hiver, sont celles qui sont exposées à la lumière de l’éclairage urbain, qui, sur une grande artère, est particulièrement efficace et puissant.

Sans vous refaire un cours de sciences naturelles du collège ou du lycée, les arbres à feuilles caduques, donc à feuilles qui tombent, par opposition aux arbres à feuilles permanentes comme le sapin (sauf quand on le coupe pour en faire un sapin de Noël) se servent du soleil pour opérer la photosynthèse. Alimentées en eau, les feuilles frappées par les rayons de lumière fabriquent des sucres qui donnent la sève. Certaines sèves sont tellement sucrées qu’elles en deviennent des sirops, après raffinage, comme le sirop d’érable cher à nos cousins québécois.

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Au passage, soyons admiratifs : la nature nous épatera toujours ! Imaginez qu’un chêne adulte extrait du sol où sont plantées ses racines plus de 200 litres d’eau par jour, et ce, jusqu’au sommet, qui culmine souvent à 30, voire 40 mètres ! Plus étonnant encore, l’eau, qui circule dans un réseau de canaux en tout point semblable à celui de l’homme, file à 5, voire 6 ou 7 mètres à l’heure !

Mais revenons à nos feuilles mortes pas encore mortes. Non content d’avoir un super réseau de communication pour transporter sa sève, réseau qui peut faire plusieurs dizaines de kilomètres par arbre, l’arbre a également une horloge interne. Eh oui ! Quand les jours raccourcissent, son petit calendrier personnel se souvient que l’hiver va pointer son nez, et qu’il sera temps de faire tomber les feuilles. Pourquoi ? Parce que, lorsque les jours raccourcissent, la photosynthèse devient inefficace. Et qui dit inefficace dit énergie dépensée inutilement : à quoi bon pomper de l’eau pour l’envoyer dans des feuilles qui ne la transformeront pas en sève ? Et pire, pourquoi prendre le risque de… geler ? Eh oui, ces plantes qui gèlent sont victimes de leur manque de prévoyance. Sauf accident, comme un redoux après une saison qui ressemble à l’hiver, ou encore en cas d’hiver brutal, les plantes sont armées pour affronter les grands froids.

C’est ici que les détails du début de cette histoire trouvent toute leur importance. Ce sont donc les branches situées directement sous les lampadaires de l’éclairage public qui ont maintenu en vie ces feuilles en leur procurant la lumière nécessaire à la photosynthèse, entre dix à douze heures par nuit. Bien entendu, l’éclairage artificiel ne suffirait pas à lui seul à maintenir ces feuilles en place, mais additionné aux quelques heures de soleil qui subsistent, même en hiver, voici un arbre qui ne sait plus où donner de la feuille. Et maintenant, allez-vous me dire, pourquoi tous les arbres n’ont-ils pas des feuilles persistantes, comme les sapins ? Tout simplement parce que la feuille de sapin, l’aiguille, est de très loin la structure la plus optimisée qui soit pour perdre le minimum d’eau et prendre le moins de risques possible par grand froid. Sa sève aussi n’a rien à voir avec celle de certains arbres à feuilles caduques. Épaisse et riche en sucres, elle résiste à des températures extrêmes qui achèveraient n’importe quel chêne.

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Jean Baptiste Giraud

Jean Baptiste Giraud est journaliste économique et scientifique depuis 1994. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages à succès, d'une série télé pédagogique pour enfants, d'une application de vulgarisation scientifique classée numéro 1 de l'App Store pendant 3 semaines.