Nous connaissons tous ces images d’astronautes (pour les Américains), de cosmonautes (pour les Russes) ou de spationautes (pour les Français) flottant librement dans l’air de leur navette ou de leur station spatiale, jouant avec des objets hétéroclites, quand ils n’essaient pas de boire du jus d’orange en boule. Dans l’espace, l’apesanteur règne, en l’absence d’attraction terrestre. Ou plutôt l’impesanteur, terme préféré par les scientifiques, pour ne pas le confondre avec « la pesanteur », son contraire ! Mais pourtant, l’apesanteur, ou l’impesanteur, est un phénomène trompeur : vous croyez que nos hommes (et nos femmes, l’homme étant le terme général qui les embrasse) flottent, mais en fait ils tombent ! L’état d’impesanteur est identique au saut du haut d’un plongeoir. Ou à la position inconfortable du passager d’un ascenseur qui se décrocherait, tombant à la même vitesse tous les deux. Loin d’être immobiles, les astronautes-cosmonautes-spationautes évoluent donc en réalité à une vitesse inconcevable pour l’esprit, celle de leur engin spatial !
Reprenons depuis le début. Pour quitter l’attraction terrestre, les hommes de l’espace et leurs drôles de machines volantes ont subi une impulsion initiale, celle de leur fusée, qui leur a prodigué une vitesse horizontale suffisante pour qu’ils « tombent » autour de la Terre sans perdre d’altitude, le long d’une trajectoire fermée. On dit qu’ils gravitent autour de la Terre. Quand une navette est lancée, les astronautes se retrouvent en train de flotter au bout de huit minutes et demie seulement après avoir quitté la Terre !

Or, autour de la Terre, les spationautes évoluent tous à la même vitesse, 28 000 kilomètres à l’heure, d’où une immobilité relative entre le vaisseau et ses occupants, à l’origine de leur lévitation apparente.
Erreur classique par ailleurs, l’impesanteur n’a rien à voir et n’est pas due au vide spatial qui ne règne pas à bord des vaisseaux et satellites en orbite. Sinon, les hommes embarqués ne pourraient pas respirer !
L’impesanteur intrigue car elle a des conséquences étonnantes. Le poids est de fait inexistant, nulle balance ne pouvant mesurer une pression qui ne s’exprime pas, mais la masse, elle, reste constante. Résultat, pour vérifier que nos astronautes-cosmonautes-spationautes n’abusent pas trop des délicieux plats lyophilisés – les spationautes français partent toujours avec des plats préparés par des grands chefs – à défaut de pouvoir utiliser une balance, on les secoue. Alors qu’ils sont attachés à une machine qui va leur donner une impulsion, on mesure l’inertie de leur corps, permettant de déduire leur masse, et donc leur poids.
Un bon dîner, ça mérite un cigare. Simple hypothèse, car il est évidemment interdit de fumer à bord des vaisseaux spatiaux, pour plein de raisons évidentes que je ne vous ferai pas l’affront d’expliquer ici. Mais bon, hypothèse, vous sortez une allumette, la craquez et… bide : elle fait long feu ! C’est l’une des questions déstabilisantes posées aux étudiants qui veulent intégrer une des prestigieuses universités anglo-saxonnes d’Oxford ou Cambridge. Que se passe-t-il quand… En fait, l’allumette a besoin d’oxygène pour se consumer. Or dans un vaisseau spatial, en l’absence de pesanteur, il n’y a pas d’air chaud qui monte et qui aspire l’air froid par en dessous. Faute de mouvement d’air, puisqu’il n’y a pas de pesanteur, donc pas de molécules d’air plus légères ou plus lourdes, l’oxygène n’est pas renouvelé et, très vite, la flamme s’éteint.

Pour ceux qui en ont les moyens et rêvent d’entrer en lévitation sans aller dans l’espace, c’est envisageable. Comment ? Deux possibilités : la première, vous rendre à la Cité des Étoiles non loin de Moscou, en Russie. Dans ce centre d’entraînement pour cosmonautes, il est possible de monter dans un avion spécialement équipé pour simuler des vols en impesanteur. Une fois à 8 000 mètres d’altitude, l’avion entame une série de chutes vertigineuses pendant 20 secondes à chaque fois. Vous vous retrouverez alors la tête en bas et les pieds en l’air sans vous faire mal, en flottant ! La France possède également un appareil de ce type, baptisé Zéro G et basé à Toulouse, mais il n’est pas accessible au public, même fortuné.
Deuxième solution, passer par Virgin Galactic, l’entreprise de Richard Branson, le multimilliardaire patron de Virgin. Il propose, en effet, de voler à plus de cent kilomètres d’altitude à bord d’avions spatiaux pouvant emporter sept passagers, pour la modique somme de deux cent mille dollars la place. Premiers vols vers 2012, paiement exigé d’avance.
Faute de moyens financiers conséquents, il existe bien des tours et des puits à chute libre de quelques centaines de mètres, qui permettent d’obtenir de 3 à 10 secondes de micropesanteur. Mais inutile de prendre un ticket, ces tours et puits ne sont conçus que pour les objets, pas pour les hommes, vous feriez un lamentable splash en arrivant en bas. Aussi vous faudra-t-il encore attendre un peu pour pouvoir voir la Terre depuis le hublot d’une navette spatiale, et faire le tour du monde en quatre-vingt-dix minutes, avec à la clé plusieurs levers et couchers de soleil par jour.